S'enfuir
À sa naissance, chaque homme possède deux corps : le corps qui part et le corps qui reste. Toute la vie, il faudra les entendre, dans un dialogue à couteaux tirés, chercher l’espace de conciliation, le point de tension entre le dedans et le dehors, entre soi et soi-même. Il y a en chaque homme la menace constante du départ ; la fuite est une plainte sourde en lui, une arme brandie en silence. Il sait qu’ailleurs, il n’y a rien de plus qu’ici. Il sait que la peur est étrangère à sa course. C’est autre chose. C’est un corps qui a gagné sur l’autre. La victoire du partant sur celui qui reste, tronc sans jambes, au milieu du salon.