Chant de coton
La Petite coule ses jours d’enfance dans un village de pêcheurs, situé au beau milieu d’une île. Le Père, avec sa mine de pain dur, n’a jamais eu un regard doux pour elle ; la Grand-Mère, La Nonna, avec les noms d’oiseaux qu’elle emploie pour la sermonner et ses talents de saucière, incarne la seule présence affectueuse aux alentours. Car sa Mère est l’Absentissime, une femme à la peau d’ébène venue d’un autre continent que le Père a un jour retrouvée dans ses filets, avant qu’elle disparaisse après sa naissance, sans que la Petite sache trop où. Au village, les habitants répètent que depuis l’arrivée de la Mère, les filets sont vides, que seuls des hommes et femmes dégueulent maintenant de l’écume et ont fait fuir les poissons. Même le curé la considère comme une enfant du diable. Alors lorsque la Petite trouve un carré de coton provenant d’un ancien pagne de la Mère, elle le conserve toujours sur elle et, avant de s’endormir, plonge le nez dedans afin d’accéder en songe à des refuges bien plus doux.