Un homme est un homme
(Mann ist Mann)
Très tôt déjà on trouve chez Brecht des notes pour cette pièce. Apparemment sous l’effet de la Grande Guerre, Brecht projette un personnage qui, par la force de l’environnement (et des hommes) auxquels il est exposé, devient interchangeable, et dont l’individualité s’éteint. Il lui donne d’abord le nom de Galgei mais au milieu des années vingt, fortement impressionné par la lecture des Barrack Room Ballads de Rudyard Kipling, Galgei devient le porteur Galy Gay dans les baraquements de Kilkoa dans les Indes. Brecht s’éloigne alors de l’expressionnisme de son temps et de ses appels un peu abstraits à l’« Homme ». Au lieu d’un vrai changement du personnage voulu par les expressionnistes et impliquant un mûrissement éthique, Brecht vulgarise la transformation subie par le porteur Galy Gay. Elle devient presque un acte mécanique.
À la fin des années vingt, devant la montée du national-socialisme, Brecht se voit obligé de modifier la pièce. Il reconnaît que la masse, sous l’influence de laquelle Galy Gay se transforme, nécessite une description plus précise. Ainsi se forme pendant les années suivantes une nouvelle version dans laquelle les côtés romantiques et aventureux de la version de 1926 sont refoulés et où la transformation du personnage est présentée comme négative. Pour se faire une idée plus concrète des changements que Brecht entreprit, le lecteur trouvera ici deux versions de la pièce, celle de 1926 et celle de 1938.