Graceful
Le poète parcourt le monde à toute vitesse : nul n’a le temps de tout vivre. L'essentiel est de ne pas sombrer dans « le scandale de ne pas vivre alors qu’on est vivants ».
Les instants vécus ont laissé leur empreinte. En quelques mots, ils sont restitués, dans leur décor, leur atmosphère : un soir de pêcheurs sur les docks de Salonique, un aéroport où un homme s’attend lui-même, une nuit qui ressemble à un jour. Prendre la mesure du monde : le poète vérifie, nomenclature, recense au ciel les étoiles.
Il s’adresse à un toi, réel et rêvé tout à la fois. Il lui fait part du monde, de tous les corps, des morts et des vivants. En déployant le monde à l’intention singulière d’un autre qui l’écoute, il réinvente une forme d’énonciation très ancienne, qu’on trouve dans L’Iliade et L’Odyssée : l’énonciation en catalogue. Il ne raconte pas, il n’informe pas, il catalogue le monde.
Parfois, tu et le monde s’opposent, comme s’ils se disputaient le voyant. Parfois, au contraire, tu et le monde ne font qu’un. Cette dialectique entre toi et le monde devient la définition même de l’amour.