Carnets de galère
« Le jour J. Les phares du véhicule fendent l’autoroute à cinq heures du matin. Bande blanche interminable. Une brume grisâtre, pas loin de la frontière. La voiture ralentit : 10 km/h. Puis : 5 km/h. On roule à peine. À la vitesse d’un piéton. Je baisse la fenêtre. L’aube coule sur mon visage. Les guichets de contrôle : abandonnés. Des éclats de verre, par-ci par-là. Les champs hongrois, à perte de vue
Trois heures de route et on atteint le nord de la Hongrie. Villages délabrés, pluie torrentielle. Puis, au détour d’une petite rue : le Bureau de l’immigration. La femme officier ne croit pas à l’histoire du jeune Afghan. Elle m’assomme de questions, je m’embourbe dans mon récit. « Réponse dans trois mois ! Entre-temps, vous ne pouvez pas sortir du territoire hongrois ! »
Retour. Il est dix-sept heures. Des panneaux annoncent la frontière autrichienne à trois kilomètres. Les voitures se font plus nombreuses. « Il y a un barrage de contrôles ! » Je chope mon sac à dos et je sors.
– Je prends par les champs, dis-je à l’ami.
– Quoi ?
– Je ne vais pas rester dans la voiture pour qu’ils me cueillent. J’ai vu une station-service à deux cents mètres de la frontière, à l’aller. On se donne rendez-vous là-bas.
– Tu es sûr ?
– À tout à l’heure, à la station.
J’enfile mon sac à dos et enjambe le fossé. »