Red in blue trilogie
Cette trilogie de Léonora Miano se lit comme trois actes ou volets d'une seule et même tragédie : celle de la Traite transatlantique et de son orchestration sur les terres subsahariennes.
Révélation met en présence esprits et divinités dans un monde dont l'équilibre a été bouleversé. Les nouveau-nés voient le jour privés d'âme depuis que Mayibuye, figure des âmes à naître, refuse de s'y incarner. Elles font connaître le motif de leur grève, exigeant que les Ombres puissent s'exprimer sur leurs actes passés : la capture et la reddition d'êtres humains aux étrangers venus par les eaux. La parole est donnée à ces âmes réprouvées, appelées à comparaître devant Inyi, divinité première, pour révéler les mobiles de leurs crimes. Quelle sentence sera réservée aux fournisseurs de captifs ?
Sacrifices s'inspire de figures et d'aspects de l'histoire des marrons de la Jamaïque. Deux conceptions de l'héroïsme se font face, entre ceux qui refusent le joug pour se replier dans les montagnes et ceux qui demeurent dans les basses terres. Or, l'accord de paix proposé à King Maroon ignore les liens profonds qui les unissent. Tous souscriront-ils à ce sacrifice ?
Dans Tombeau, Jedidiah, une Afrodescendante, veut à tout prix faire enterrer le corps de son frère à Jemea, qu'elle affirme être le pays de leurs ancêtres. Le refus de ses habitants est formel : aucun étranger ne peut trouver sépulture dans leurs terres. Telle une Antigone moderne, elle refuse d'obtempérer et présente un test ADN comme preuve irréfutable de leur appartenance à l'une des communautés du pays. L'obstination de Jedidiah saura-t-elle les faire fléchir ? Cette pièce interroge la relation entre Subsahariens et Afrodescendants en proposant un espace d'échange et de rencontre visant à dépasser les crispations et les blessures du passé. Scandées par un rythme incantatoire, ces pièces de Léonora Miano font se déployer tout un monde chromatique sous nos yeux, aveuglant de majesté et troué de lumière. Red in blue trilogie renvoie à la mélancolie de la note bleue, à l'origine du blues.
L'auteure a reçu en 2012 le prix Seligmann pour son texte Écrits pour la parole. La même année paraît, chez L'Arche également, son recueil de conférences, Habiter la frontière.