Ombre (Eurydice parle)
(Schatten (Eurydike sagt))
Dans Ombre (Eurydice parle) s'élève la voix de celle qui rejoint le royaume des morts, suite à la morsure de l'aspic. Elle est le rien, l'être n'est plus et le proclame loin des clameurs des foules. « Je ne suis plus rien. Je suis. » Émancipée, libérée car délestée de son apparence et de la dépendance, elle envisage sa vie d'ombre comme une échappatoire à l'aliénation terrestre. Écrivaine restée dans l'ombre de son mari rockeur, Eurydice dresse un portrait acerbe d'Orphée en pop star, ivre des feux de la rampe et des cris de ses groupies. En glissant chez les ombres, elle ne pourra plus « se mettre au fourneau ni travailler à son manuscrit tout juste commencé »... Fanatique de mode, cette Eurydice d'aujourd'hui est une acheteuse compulsive, pour n'être finalement plus que revêtement, enveloppe, dépouille, avec un profond sentiment de délivrance. Apparence qui dit le vrai et déjoue les hypocrisies, elle est l'envers du décor, le contre-pied du récit ancestral, celle qui écrit sa propre histoire contre l'injonction patriarcale du mythe, l'être qui a enfin pris possession de soi-même et de son corps, maintenant qu'ils ne sont plus.
Entrelaçant à sa manière paroles mythologiques, discours politiques, théories psychanalytiques, paroles toute faites, langages publicitaires et autres embrigadements de la langue, dans un flux de mots et d'images crues et saisissantes, l'auteure autrichienne donne libre cours à cette voix féminine longtemps restée dans l'ombre.