L'Hôtel du Libre-Échange
« Vous savez », disait récemment une dame cultivée qui s'y connaît en matière de théâtre, « ce Feydeau me déprime tellement parce que chez lui il n'y a aucun espoir ». L'aveu est étonnant. Mais sous un certain angle la dame n'a pas tort. On cherchera en vain dans la mécanique implacable des pièces de Feydeau le moindre levier pour améliorer l'état moral de notre monde.
La vie bourgeoise à la fin du XIXe siècle fut, sous plus d'un aspect, très différente de la nôtre. Or, les masques que ses personnages portent et qui tombent au fur et à mesure de la pièce sont les mêmes qu'aujourd'hui. Certes, ils n'ont plus la même forme, et ceux et celles qui les portent s'habillent différemment. Mais cela ne change rien à l'affaire. Les bigoteries sont les mêmes et sans trop risquer de se tromper on peut supposer que cela restera ainsi.
Donc, un auteur déprimant ? Loin s'en faut. Pour tous ceux et celles qui aspirent à un peu d'air dans le moisi ambiant, sa sincérité est libératrice. Car le médicament qu'il prescrit est la vérité comprimée. C'est le contraste entre la réalité mensongère de ses personnages et la vérité qui provoque le rire. Et le rire a le même droit à l'existence que les pleurs. Surtout au théâtre.