L'Éclipse du 11 août
Les astres donnent des rendez-vous précis, le ciel qui nous permet de les voir est un agent moins fiable. Il ne suffit pas d’être là, sous la trajectoire parfaite du phénomène à l’heure dite, l’atmosphère peut masquer une éclipse le 11 août 1999. Et c’est ainsi qu’au bout d’un pèlerinage mené en 4L de Nice jusqu’à leur terre de famille, Béatrix et Christine rencontrent en Lorraine la pluie et la brume, l’humus plutôt que le soleil noir, l’en bas plus que l’en haut, et l’en bas est un bout de campagne sans plus de glaneuses ni de meules, et sans plus de militaires américains, une terre frontière, site de trois guerres vaines, parsemée de monuments aux morts prussiens, français, paysage où se trimbalaient du temps de leur enfance amère les veuves et les fous. Le temps creuse. La journée passe. Le paysage joue comme les êtres puisque ce sont les êtres qui l’ont fait. C’est l’époque des étoiles filantes et sur l’ancienne base de l’OTAN toute proche à vol d’oiseau se rassemblent les Roms. Une fille leur chante l’inquiétude des nuits : elle est la demi-sœur de Béatrix et de Christine. Elles ne la connaissent pas.